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Synthèse du livre de Leila Babès "LE VOILE DEMYSTIFIE" 


Un des défis du « vivre ensemble » est de concilier l'égalité entre tous et le respect des croyances de chacun.
Pour apporter des réponses adéquates à ce défi, Leila Babès, franco-algérienne, professeur de sociologie des religions à l'université catholique de Lille, nous invite à découvrir les religions et à connaître des pratiques.
Elle nous livre en particulier son savoir sur la religion musulmane.
A quelle croyance le port du voile est-il lié ?
Le titre du livre ne laisse pas de place au doute ; le voile est relié à une croyance infondée. Cette conclusion sans appel nous invite à découvrir ce que dit précisément le Coran, comment le voile s'est imposé et à s'interroger sur sa vraie nature.


I - « le voile du Coran »

Pour certains, le voile doit être porté parce que le Coran y fait référence.
La vraie question est de savoir, si pour autant, le port du voile renvoie à une pratique religieuse.


a) Les piliers de l'islam


Le Coran compte 6 000 versets, 200 ont un caractère législatif et seul un petit nombre d'entre eux sont qualifiés de « religieux » au sens cultuel du terme.

On retient donc les cinq piliers de la foi - croyance en Dieu, aux Anges, aux Livres,
aux prophètes et au jour du jugement dernier et les cinq piliers de la pratique :
- Profession de foi
- Prière
- Zakât (aumône)
- Jeûne
- Pèlerinage

Ces piliers de la religion sont entendus comme s'inscrivant dans le rapport vertical, individuel, à Dieu, qui seul peut juger de la foi du musulman.

Voilà les points sur lesquels tous les musulmans quels que soient leurs rites, origines culturelles, idéologies sont d'accords. Le reste prête à discussion voire désaccord profond.

Le voile n'est donc pas inscrit comme un pilier de la pratique religieuse.
En outre, le culte étant le même pour les hommes et les femmes, s'il était une obligation cultuelle, les hommes devraient eux aussi se voiler.


b) L'institution du voile


« Le hijâb » ou « voile islamique » comprend une longue mante couvrant tout le corps, sauf le visage et les mains, et un fichu noué autour de la tête cachant les cheveux et le cou.
Le Coran fait état du « hijâb », sans qu'il soit, le plus souvent, fait référence à un « habit » réservé à la femme.

Un seul verset en donne cette acceptation ; il est devenu la source de l'institution du voile :
« [...] Si vous avez un objet à demander à ses épouses, demandez-le derrière une tenture (hijâbin) : à quoi s'attache davantage de pureté pour votre cœur et pour le leur. Il ne vous appartient pas de blesser l'envoyé de Dieu, non plus que d'épouser de ses femmes après lui » (XXXIII, 53)

Révélé tardivement en 627, sous l'influence d'Ulmar - compagnon du prophète et futur calife qui était un homme jaloux - ce verset n'a pas de signification religieuse.
Il s'agissait seulement de soustraire - sens même de la racine du mot « hajaba » - des femmes, en particulier celles du prophète, qui ont un statut spécial, à la convoitise des hommes. En outre, la révélation se produit alors que la maison du prophète accueille beaucoup de monde à l'occasion d'un mariage, le hijâb a donc pour visée de séparer la vie privée du prophète de sa vie publique.


c) Le jilbâb


« Prophète, dis à tes épouses, à tes filles, aux femmes des croyants de revêtir leurs mantes (jalabîbihinna) : sûr moyen d'être reconnues [pour des dames] et d'échapper à toute offense »
XXXIII, 59

Ce verset est traduit par certains comme l'obligation pour les femmes d'abaisser un voile sur leur visage, pour d'autres, le jilbâb désigne tout le corps sauf le visage et les mains ...
C'est donc la coutume de chaque pays ou région qui « fait foi » ce qui prouve bien le caractère temporel de ce verset.
Le pluriel (jalabîbihinna) renvoie aux liens de chaque femme avec son habit ;
s'il s'agissait d'une prescription absolue, on trouvait probablement « Prophète, dis aux croyantes, de revêtir Un jilbâb » avec une description des parties du corps à cacher.
En outre, il est fait référence aux femmes en tant que membres du clan, « femmes des croyants », c'est le statut de femmes mariées qui est en jeu et non une prescription religieuse.

Il n'empêche que certains musulmans soutiennent que le jilbâb doit être porté et cacher tout le corps ainsi que la tête. Ils s'appuient sur un hadith selon lequel le prophète aurait dit
« Ô ‘Asmâ', on ne doit voir de la jeune fille pubère que ceci et cela ; et il désigna le visage et les mains »

Si le jilbâb était aussi important pourquoi le prophète n'a-t-il pas clairement énoncer les choses ? Par ailleurs, la crédibilité de ce hadith est mise en cause du fait que son rapporteur n'ait jamais rencontré ‘Asmâ. '


d) le voile de la pudeur


Le troisième et dernier verset invoqué énonce :
« Dis aux croyantes de baisser les yeux et de contenir leur sexe : de ne faire montre de leurs agréments (Zinâtahunna), sauf en ce qui en émerge, de rabattre leur fichu (khumûrihinna) sur les échancrures de leur vêtement. Elles ne laisseront voir leurs agréments qu'à leur mari, à leurs enfants, à leurs pères, beaux-pères, fils, beaux-fils, frères, neveux de frères et sœurs, aux femmes (de leur communauté), à leurs captures, à leurs dépendants hommes incapables de l'acte, ou garçons encore ignorants de l'intimité des femmes. [...] XXIV, 31
Pour une compréhension globale et juste du texte, ce verset doit être rapproché du précédent :
« Dis aux croyants de baisser les yeux et de contenir leur sexe : ce sera de leur part plus net. Dieu est de leur pratique informé »

Il est ici fait référence à l'ensemble de la communauté musulmane ; hommes et femmes doivent faire preuve de pudeur. Celle-ci est une valeur éthique qui la relie directement à la foi.


 ne pas montrer leurs agréments.
Pas de référence au « hijâb » ni au « jilbâb »
Le terme « zinâ » - mentionné par ailleurs dans le Coran au sujet de l'adultère et d' « expositions » de jeunes filles ou esclaves organisées afin de leur trouver maris ou acheteurs - renvoie à l'idée de provocation. Ce n'est donc pas le corps ou une partie de celui-ci qu'il faut cacher mais s'abstenir d'avoir une attitude provocante. Par ailleurs, on voit bien que ce qui pourrait être vu comme « agréments » c'est-à-dire objet de désir varie dans le temps et d'une société à une autre.


 rabattre leur fichu sur les échancrures de leur vêtement
Autrement dit, le fichu (Khimâr), qui est aujourd'hui utilisé par les femmes « islamiques » pour se couvrir la tête, est mentionné dans le Coran comme un moyen de cacher leurs décolletés, la poitrine.

En résumé, sexe et poitrine doivent être couverts mais aucune autre partie du corps n'est concernée. En outre, la prescription de pudeur reste à l'appréciation de Dieu.


II - La coutume


Comme on l'a déjà souligné, le port du voile est lié à la tradition.

La plus ancienne règle connue instituant le voile est attestée dans une tablette d'un roi assyrien quelques mille ans avant JC. Il était interdit aux femmes mariées, comme aux servantes du peuple d'avoir la tête découverte.

Cette règle du marquage se retrouva presque partout dans le pourtour méditerranéen.
Le voile fut d'abord un signe de distinction sociale puis la coutume de la haute société, se mêlant à l'islam, s'étendra à d'autres couches de la population.

En Algérie, par exemple, le voile est d'abord un phénomène de snobisme de la société bourgeoise. Elle se dévoile après la période post-coloniale alors que les paysannes accèdent à cette époque avec décalage à la mode ancestrale des bourgeois de la cité.


Loin d'être une norme coranique, le voile est une coutume dans des régions où se marque la différence entre hommes et les femmes. G Tillon note une correspondance entre le statut de la femme et le fait qu'elle soit ou non voilée (ex : exhérédation).

Le voile - et la claustration qui l'accompagne - s'est imposé dans le milieu citadin et aristocratique, là où la femme pouvait servir de valeur d'échange. Ailleurs, c'est-à-dire en majorité, les femmes étaient dévoilées.

Selon les régions, le voile et les parties du corps qu'il cachait étaient très différents.
C'est donc bien de tradition dont il est question et de la difficulté pour une partie des musulmanes d'aujourd'hui de gérer modernité, valeurs morales et religion.


III - Le voile « communautaire »


Le voile serait une prescription divine, être non voilée est donc non seulement préjudiciable pour la femme concernée mais porte atteinte à l'ensemble de la communauté.


Comme nous l'avons aussi déjà souligné « La communauté musulmane » n'existe pas, de nombreux courants existent, parfois se contredisent et s'affrontent.


Cependant certains se rattachent au mythe d'une communauté homogène - s'identifiant à la famille du prophète, qui a pourtant un statut clairement particulier - afin de faire passer l'utopie - celle d'une conception sectaire de la religion - pour la communauté réelle.

Dans cette construction, le voile devient le signe de la communauté, l'« ‘Umma »
Le voile qui tend à cacher la femme - et par là en fait un être a-sexué - est donc cependant pensé pour être vu. On est bien loin de la pudeur du Coran, pudeur qui par définition ne se manifeste pas !


Aucun théologien avant le début du XXè siècle n'avait osé dire que le voile était nécessaire pour « juger » de l'islamité d'une femme, ce jugement relevant de Dieu seul.
Le statut du musulman est clairement défini : tout musulman reste musulman dès lors qu'il ne remet pas en cause le dogme, même s'il est un pêcheur.


« La communauté » dramatise la transgression justement parce c'est d'elle dont il est en réalité question. Le sentiment d'être menacée par toute ouverture la fait se crisper sur la question du voile dont le port est requalifié en acte de foi.


IV - Un voile transitoire ?


Pour certains chercheurs, le voile constitue un laissez-passer pour les femmes qui accèdent ainsi à la vie active. Il ne serait donc pas un signe d'assujettissement mais un instrument d'émancipation, un « féminisme islamique » selon l'expression d'Elisabeth Warnock Fernea.


En résumé, cette thèse constate que :
- Ces femmes se battent à l'intérieur même de l'islam pour combattre les discriminations qu'elles imputent aux coutumes patriarcales.
- En accomplissant ce travail de tri entre coutumes et règles de droit, elles tentent de neutraliser l'autorité du père et de l'homme ce qui implique des modifications des rapports sociaux de sexe.
- Engagement politique des femmes islamistes pousse certaines à participer physiquement à la lutte armée.
- Leurs actions dans l'espace public et leur confrontation aux hommes les conduisent à utiliser un discours emprunt de modernité (cf revendications : droit à l'instruction, au travail salarié, à l'engagement politique)
- Accent est mis sur la complémentarité, et non l'inégalité, entre les hommes et les femmes.
- Le port du voile est vu comme un moyen de s'investir dans l'espace public. Acte volontaire, le port du voile sert de protection puisqu'elles sont ainsi perçues comme respectables et de reconnaissance pour être acceptées dans la communauté où progressivement se tissent de nouveaux rapports sociaux.


Leila babès se détache de cette lecture qui pour elle donne le sentiment que l'islamisme n'est pas un frein à l'émancipation féminine.
Pourtant, la polygamie, le mariage temporaire, le droit de tutelle de l'homme sur la femme, les discriminations en matière d'héritage et le caractère obligatoire du voile sont toujours d'actualité ...
Elle rappelle les propos de Hassan Al-Banna, le fondateur des Frères musulmans :
« La différence entre les hommes et les femmes sur le plan des droits est fondée sur une différence naturelle ». Inégalité et interdiction de la mixité vont de pair pour celui qui préconisait l'avènement d'une société monosexuelle.

Pour elle, le discours sur la complémentarité cache lui aussi le plus souvent une conception ségrégationniste (elle est d'accord sur ce point avec Sophis Bessis)

 
Les islamistes ont largement rompus avec l'éthique traditionnelle qui veillait dans le cadre de la Chari'a aux droit des femmes.
Si la femme est placée, comme le voile en témoigne, au centre du dispositif islamique c'est parce que c'est par elle que passe la liberté, source de perversion de la mythique communauté.

L'évolution dont parlent les tenants de la thèse du voile « transitoire » est entravée par deux obstacles majeurs : le contrôle exercé par les pouvoirs politiques sur la religion et la surenchère à laquelle ils se livrent avec les islamistes.
Dans la majorité des pays, y compris ceux dits laïques, l'état obéit à la loi islamique (cf mariage, lois successorales et les institutions même de l'état) Toute contestation sur le plan religieux est assimilée à une opposition politique, ce qui explique les alliances objectives entre état et islamisme.
La violence qui s'abat sur les libertés individuelles est en effet politique mais justifiée par la manipulation des textes sacrés.

S'il est vrai que le port du voile permet à certaines femmes de vivre « normalement » dans le contexte de leur pays, Leila Babès s'interroge sur la présence des femmes islamistes dans l'espace public alors même que le courant de pensée auquel elles se rattachent prône la soumission de la femme et son assignation dans la sphère privée.
Elle explique ce paradoxe par l'adaptation du mouvement islamiste aux faits : il est impossible aujourd'hui d'enfermer les femmes, le tabou du corps féminin est donc transposer dans l'espace public.
(Cf F. Benslama, « La ruse du voile : inclure l'exclusion » Cités, HS, 2004 p440)


S'agissant des femmes qui en France revendiquent de porter le voile, elle se demande en quoi cela relève du féminisme car en effet « que demandent ces femmes à part le droit d'être voilées ? »
Notons que le voile est une « obligation » d'autant plus contraignante qu'il est visible contrairement au jeûne ou à la prière. Un grand nombre de jeunes filles voilées ne pratiquent pas la prière, ce qui souligne bien la nature éminemment sociale du voile.
Elles revendiquent le fait de choisir librement le voile en l'absence de pression familiale mais la pression est celle de la prédication.
Depuis 1970, partout se propage ce discours qui fait du voile une obligation religieuse. Pour échapper au « regard social », la jeune fille se voile et est formatée à croire qu'elle choisit librement.
Le voile est devenu un instrument politique de communautarisation de l'islam. L'islam présenté comme une religion totalisante gérant tous les aspects de la vie sociale, les jeunes musulmans finissent par confondre religion et identité. (Le prédicateur Tariq Ramadan est à l'origine de la promotion de cette idée selon laquelle l'islam est une identité)
Pourtant un nombre non négligeable de femmes se recrutent dans les milieux éduqués, cet assujettissement volontaire semble s'apparenter alors au syndrome de Stockholm.


Ma Conclusion


Le voile est issu de pratiques pré-islamiques, le Coran y fait allusion puisqu'à l'époque il appartenait à la coutume. Pour les mêmes raisons, le Coran fait référence à l'esclavage, pour autant personne ne prétend que l'abolition de l'esclavage est un sacrilège !
On l'a compris le voile est de nature sociale et son exploitation met en danger notre « tissu social républicain » basé sur les droits de l'homme, la liberté (de culte), l'égalité (homme-femme) et la fraternité (≠ communautarisme).

 

 

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Mais je sais, aujourd'hui,
Qu'elle n'était que le résultat

D'un petit Moi mal aimé
Qui se tenait à l'abri
Et qui, ayant peur d'aimer,
N'aimait que lui.
Il confondait célibat et solitude,
Solitude et mal-être

Se voulait libre et aimant mais
S'emprisonnait dans un statut de célibataire.
En réalité, il ne savait alors guère
Ce que sont « liberté » et « amour »
Encore moins que le vocabulaire
Cache parfois des réalités
Qui peuvent se conjuguer
Merci de l'avoir éclairé,
Merci pour ton Amour "  


... Aujourd'hui, C pour dire ...

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