Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
/ / /


De l'Autre pour Moi, l'Autre comme Moi, à Moi sans L'Autre ...?



Avec la mise au point de la contraception chimique, la science a définitivement « découplé » sexualité et procréation.
Elle a ainsi fondamentalement changé la représentation de l'émergence de la vie.

Celle-ci n'est plus seulement le fruit de la volonté de Dieu, de la nature, du hasard, éventuellement subi mais survient dès lors que le couple, la femme, y consent.
Du choix de ne pas vouloir d'enfant, de ce consentement à donner la vie, notre société a progressivement évolué vers la « volonté » d'être parent.
Il parait aujourd'hui non seulement légitime de vouloir un enfant mais encore de tout entreprendre avec l'aide de la médecine pour que ce projet parental puisse « voir le jour ».

La pratique de la procréation médicalement assistée (PMA) semble encore contribuer à faire évoluer les mentalités et à introduire non seulement l'idée d'un « droit à l'enfant » mais aussi d'un droit à la naissance d'un enfant en bonne santé.
La PMA pose des questions qui évoluent avec les techniques mises en œuvre et le contexte sociétal .Le débat se situe aujourd'hui essentiellement autour de l'instrumentalisation du vivant et des risques d'eugénisme qui l'entoure.

Plus globalement, il s'agit autour de cette question de la maîtrise de la vie humaine de s'intéresser, en s'appuyant ici notamment sur la pensée de Marc Hunyadi ( "Je est un clone") , sur l'homme et la société dans laquelle se structure sa pratique.
Celle-ci est liée à ce que Hunyadi appelle le « contexte moral objectif », résultant de la combinaison de notre histoire, des valeurs, des normes, des usages ... Parce qu'il sous-tend la pensée et l'action, il convient d'interroger ce « contexte » pour prendre un certain recul sur notre présent et pour élaborer, à partir de lui, l'homme que l'on veut voir « naître » demain.

 

  

I. De la volonté d'avoir un enfant bien portant


Si on admet la PMA, il semble normal que l'on tente de mettre tout en œuvre pour sa réussite. Qu'entend-on par réussite ?
A priori, celle-ci devrait être synonyme de grossesse.
Mais à partir du moment où la technique permet de diagnostiquer et de traiter l'embryon, comment cette procréation, assistée médicalement, pourrait-elle donner la vie à un enfant malade ? Dépistage et traitement semblent aller de soi.
La question reste éventuellement celle de leurs frontières.


1. Pratiques associées à la PMA


a) L'eugénisme négatif


Ce dernier consiste en des manipulations génétiques dites « thérapeutiques » visant à éliminer ou à guérir une maladie d'origine génétique.
Si sa définition peut s'énoncer clairement, reste qu'il convient de savoir ce que l'on entend par « pathologie », - d'autant plus que nos repères entre acte thérapeutique et « médecine de confort » sont passablement brouillés - .

La maladie dans ses formes extrêmes semble s'imposer de manière « objective ».
L'eugénisme thérapeutique pourrait donc être pratiqué lorsqu'il s'agit d'éliminer un mal unanimement rejeté.

« Voilà donc qui pourrait nous assurer d'un critère quant à la légitimité des manipulations génétiques partielles : dans le cas de pathologies clairement identifiées comme biologiquement hautement invalidantes et à ce titre unanimement et univoquement jugées intolérables pour la vie humaine, les thérapies ou manipulations génétiques anténatales apparaissent parfaitement légitimes, du fait notamment de la convergence présumée des points de vue objectif et subjectif »

Mais qu'est ce qu'une maladie hautement invalidante, intolérable ?
Sans compter que l'on ne peut que présumer que la maladie est vécue comme telle puisqu'elle empêche dans certains cas la possibilité d'expression.

Nicolas Journet, jeune scénariste atteint de la maladie de Marfan : « Aujourd'hui, on parle de rendre le diagnostic prénatal systématique pour cette maladie. Bonne idée. Les enfants atteints pourront être suivis dès leur naissance. Mais encore faut-il qu'ils naissent. Qui expliquera aux parents que maladie génétique et bonheur ne sont pas des termes antinomiques ? Les médecins ? Par expérience, j'en doute. Et pourtant je suis très heureux. Bien plus heureux que beaucoup de génétiquement corrects »
Le Monde 20/02/2007

On voit bien que « l'objectivité » de la maladie s'inscrit dans le contexte social qui la qualifie.
Il ne peut en être autrement aussi faut-il reconnaître la nature « spéculaire » du concept de « santé » et être conscient que la pratique de l'eugénisme négatif repose sur nos représentations et sur ce que nous jugeons être une vie humaine réussie.


Hunyadi considère dès lors que l'eugénisme négatif peut être légitimement pratiqué non pas seulement pour traiter des situations extrêmes mais plus généralement quand est présent ce que notre société considère aujourd'hui comme un problème de santé.
Les parents ont toujours souhaité la santé de leur enfant, il serait curieux de ne pas aller dans ce sens alors que la technique actuelle le permet :


« De ce point de vue, il importe peu que le traitement soit prénatal ou postnatal, qu'il soit génétique ou classique ; l'important est qu'il soigne ce que de toute manière l'on essaierait de soigner. Si la manipulation génétique est le traitement le plus efficace, notamment parce qu'il s'attaque à la cause plutôt qu'au symptôme, aucune éthique ne saurait raisonnablement s'y opposer »

Parallèlement à ce possible traitement ante-natal, le diagnostic préimplantatoire est venu poser la question des contours de la notion de prévention


b) Le diagnostic préimplantatoire


Originairement, le but du DPI, pratiqué dans le cadre de familles à risques, est de ne pas faire débuter une grossesse d'un enfant qui serait plus tard atteint d'une maladie grave et d'éviter ainsi d'avoir, éventuellement, à pratiquer après l'implantation de l'embryon, une interruption volontaire de grossesse.
Rien ne semble moralement le contredire mais la frontière est ténue « entre la prévention d'une vie lourdement handicapée et le choix eugéniste d'une santé optimisée pour les embryons non encore implantés » . Le DPI semble « naturellement » conduire à « sélectionner » les embryons.


Le professeur Jacques Testart s'inquiète d'une pratique « qui, pour chaque embryon, cumulerait tous les marqueurs disponibles d'anomalies ou de risques d'anomalies afin de retenir l'embryon qui présenterait le meilleur profil génétique »


L'utilisation faite de ce dépistage contribue, dans certains cas, à décider de donner ou non la vie .
« Il me parait hautement préoccupant que l'on passe d'un dépistage généralisé à une forme d'éradication sociale " Professeur Didier Sicard, comité consultatif national d'éthique.
Cité dans Bioéthique L'homme contre l'Homme, JF Poisson

Certains ne voient là rien d'autre qu'un parallèle avec l'avortement, pourtant la situation est différente, il s'agit ici d'une « sélection ».


« Cet aspect sélectif et notamment renforcé par le fait que le choix d'implanter un embryon n'est pas limité à la polarité oui/non : en réalité, au moment de transférer l'embryon dans l'utérus de sa mère, le médecin dispose de plusieurs embryons (entre cinq et dix) dont il peut analyser l'ADN, rendant ainsi possible ce que les associations de consommateurs appellent, pour les produits de consommation courante, des tests comparatifs »


Peut-on éthiquement valider un tel choix ?
Si on l'admet, la question est de savoir alors quelle vie vaut la peine d'être vécue ?
Qui le décide et sur quels critères ?


« Aujourd'hui, Mozart, parce qu'il souffrait probablement de la maladie de Gilles de la Tourette, Einstein et son cerveau hypertrophié à gauche, Petrucciani par sa maladie osseuse, seraient considérés comme des déviants indignes de vivre. On ne peut pas ne pas s'inquiéter du refus contemporain grandissant de l'anomalie identifiable par un dépistage »

Professeur Didier Sicard, comité consultatif national d'éthique

Pensons au poids du choix des parents :
-Poursuivre la procréation avec ce que cela implique pour eux dans une société qui pourtant met à leur disposition toute la technologie nécessaire pour pouvoir avoir un « enfant sain ». Sachant que cet enfant sera probablement victime, dans ce contexte de maîtrise du risque, d'un regard social de plus en plus lourd.
-Ou refuser tel enfant pour en accepter tel autre.
A moins que ce choix ne soit pas véritablement pensé en ces termes si on ne confère pas de statut particulier à l'embryon.
Ce qui amène à se poser la question de savoir si notre société refuse de protéger l'embryon, bien qu'il soit de la « matière humaine » , pour se réserver ainsi la possibilité de choisir.
Corrélativement, on peut se demander pourquoi la société a préféré investir dans les techniques de procréation médicalement assistée, plutôt que dans la recherche de traitement contre l'infertilité.
Et pourquoi ne pas faciliter et promouvoir l'adoption ?

Mark Hunyadi considère que tracer des limites est impératif, il propose que :

« Seuls auraient donc droit à la non-implantation les embryons qui, ayant bénéficié d'un DPI pour des raisons médicalement justifiées par un risque héréditaire avéré, satisfont aux trois critères de gravité qui limitent la pratique de l'eugénisme négatif : que les maladies soient hautement invalidantes, qu'elles soient considérées de façon univoque comme absolument mauvaises et dont on peut présumer que toute personne atteinte voudrait s'en débarrasser si elle le pouvait »


Il s'agit de ne pas se laisser abuser par ce geste d'abstention qui relève bien d'un choix, qui libéré du soupçon de manipulation, n'en est pas moins une pratique eugénique.


Comment notre société tout en condamnant l'eugénisme en vient-elle à flirter avec une telle pratique, sans même sembler en être consciente ?


2) Support de développement


a) Pratique exponentielle de la maîtrise


Le sociologue allemand Ulrich Beck a expliqué que la société industrielle du fait de la production en masse, à l'identique, et sa maîtrise, a habitué l'homme à prédire.
Dans un tel univers mental, le risque ne peut être que choisi puisqu'il est progressivement évacué du rapport avec la nature.
La génétique a révélé un aléa -l'aléa biologique- que notre société dans ce « contexte moral objectif » se propose donc « naturellement » de maîtriser.

La modernité étant l'ère par excellence de l'ingénierie, dont les formes incluent la médecine, le corps devient objet de contrôle. En fait, rien ne peut plus exister qui ne soit contrôlable par la raison, incluant les personnes elles-mêmes.


La maîtrise est ici à son paroxysme. Il s'agit non seulement de « pro-créer » mais en outre, de faire « surgir » une vie jugée « bonne », employant pour cela des moyens susceptibles d'entraîner l'homme vers une nouvelle forme d'être, une autre anthropologie.


« Que voulons-nous faire de l'homme et pour l'homme ? se demande France Quéré. Nul ne le dit. Nous nous assignons des objectifs étroits, vertueux sans nul doute : guérir la malformation, délivrer des maladies. Mais ces buts forts louables dénaturent insensiblement la condition humaine »
Citée p158 dans Visions éthiques de la personne, collectif sous direction de Christian Hervé, Ed L'Harmattan

« Ce qui, dans les biotechnologies, est nouveau, c'est la nature de la causalité efficiente provoquant ces modifications, c'est-à-dire le type d'influence directement causale agissant sur les êtres humains, mais non le fait même d'agir causalement sur eux. Les biotechnologies sont invasives à une profondeur encore jamais atteinte du corps, là où sont biologiquement conditionnés non seulement notre phénotype, mais encore les modalités fondamentales de notre être-au-monde en général. »


b) Le Refus


Cette philosophie de la maîtrise induit de façon concomitante celle du refus.
Refus des limites d'une part. Le fantasme ou l'illusion de la toute puissance, de la Création, étant encouragés par la configuration libérale du monde.


« Ils filent dans l'ivresse du mouvement, obnubilés par leurs outils. Où filent-ils ? Ils l'ignorent mais ils y vont ... Nos contemporains, sans regarder aux buts, foncent sur des moyens démesurés, comme s'ils constituaient en eux-mêmes la raison de les utiliser » France Quéré


« C'est donc la notion même de limite qui devient (pour la première fois dans l'histoire des civilisations) philosophiquement impensable. Pour en légitimer le principe, il faudrait en effet pouvoir s'appuyer sur des valeurs morales, c'est-à-dire, selon l'idéologie libérale, sur des montages normatifs arbitraires [...] »

"L'empire du moindre mal" JC Michéa Flammarion 2007

Refus, également ici, d'avoir un enfant « différent ».
Il convient de penser que ce refus, qui à priori peut se comprendre, cache purement et simplement le refus de l'Autre.
N'est-ce pas, par ailleurs, nier sa condition d'homme que de refuser la fragilité ?
Dans la technoscience, la vie sensible cherche à se fuir (pour échapper au destin de souffrance associé à toute sensibilité), elle se contredit, en s'objectivant, en se niant. Ce désir contradictoire est aussi « l'idée folle de ne plus éprouver sa condition » cf La barbarie Michel Henry

En outre, ce refus peut potentiellement mener à une idéologie totalitaire.

Dans l'article « les risques entraînés par les biologismes de la santé et les économismes de la performance », ses auteurs ( Mineau, De Koninck, Larochelle dans "Visions éthiques de la personne") soulignent que « le XXè siècle a été par excellence l'ère de la santé et de la performance, devenues omniprésentes dans les préoccupations contemporaines, et c'est à travers le nazisme que l'idéologie moderne du corps a atteint son paroxysme »


Si l'on décide de renoncer à la maîtrise de cet aléa, « d'abandonner l'homme à la nature » - ou lorsque que la science ne peut parvenir à maîtriser le risque - il faut donc se demander quel accueil réserver à cette différence.
Le fait de penser l'enfant « zéro défaut » n'exclut-il pas de fait tout enfant qui serait handicapé ou malade ?

Le Docteur Singer, professeur de bioéthique à l'université de Princeton aux USA affirme que « tuer un enfant handicapé n'est pas moralement équivalent à tuer une personne » et suggère le renforcement des droits des parents à tuer un enfant nouveau-né handicapé, dont le remplacement améliorait leurs perspectives d'avoir une vie heureuse. "L'homme contre l'Homme" p 203

C'est oublier que cet aléa garantit l'altérité. Celle-ci est mise en jeu de façon plus radicale encore lorsqu'on envisage l'eugénisme positif.

 

  

II. Tel enfant pour quel Homme ?


Il s'agit ici non plus de guérir ou d'éviter un mal mais de créer ou renforcer une qualité que les concepteurs souhaitent voir se déployer chez l'individu à naître.
Qu'est-ce que cette possible utilisation de la technique met en jeu ?


1) « Façonner son enfant »


a) « l'enfant produit »


En « confectionnant » ainsi son futur enfant, on n'établit un lien « s'apparentant » à une instrumentalisation. L'enfant devient la « propriété » des parents et est destiné à réaliser leurs fins.


Peut-être conviendrait-il de se ré-interroger sur la parentalité
Quel sens donné au lien de filiation ?
S'agit-il d' « avoir » un enfant, comme on a une voiture, ou d' « être » parent face à un autre Sujet ?


« La paternité n'est pas seulement un renouvellement du père dans le fils et sa confusion avec lui, elle est aussi l'extériorité du père par rapport au fils, un exister pluraliste »

Lévinas cité p 212 dans "Autrui", Mildred Szymkowiak

L'individu consommateur aurait-il aujourd'hui perdu le recul lui permettant de s'apercevoir qu'il tend à vouloir ainsi un « individu à la carte », un « enfant-produit » ?


La génétique - en particulier le traitement médiatique de ces questions - met en évidence un certain nombre de prédispositions laissant entendre que l'être humain n'est finalement pas complètement un sujet libre.
Est-ce une façon pour les scientifiques de préparer la société à envisager d'autres développements de la technique ?
Alors que l'influence de l'environnement et de l'apprentissage dans la définition du phénotype est écrasé sous le « sensationnel », pourquoi ne pas pousser la logique jusqu'au bout et « pré-déterminer » de façon optimale sa descendance ?

La peur d'un futur précaire marqué par la concurrence ainsi que l'accélération du changement de la société, dans laquelle de toutes façons les parents s'interrogent sur ce qu'ils auront à transmettre à leurs enfants, renforcent cet appel à cet agent extérieur qu'est la technique médicale qui n'est plus contingence, ni loi du marché - avant d'être, probablement, elle-même prise dans la logique libérale de ce dernier -.


Mais voulons-nous que l'espèce humaine devienne un simple « objet » ?
Centré sur le - son- désir d'enfant que notre société libérale ne peut remettre en cause, au risque de se déjuger, l'individu entraînerait le système, et le système, l'individu, vers une banalisation de l'utilisation du « matériel organique » -banalisation qui tend déjà à se profiler avec le trafic d'organes et pour certains avec l'utilisation à des fins de recherche des embryons surnuméraires -.

Il s'agit pour notre société de se positionner sur cette relation de l'homme à lui-même, et de définir jusqu'où le donné humain peut lui-même être objet d'interventions humaines.


Mark Hunyadi étudie la question à partir du sujet appelé ainsi à naître


b) « le fardeau ontologique »

Depuis la diffusion des moyens de contraception, la légalisation sur l'avortement,
on naît à priori du désir de l'autre et c'est « se savoir été non désiré » qui peut créer des troubles de la personnalité.


Mais ce désir portait jusque-là sur le fait d'accueillir « n'importe quel enfant ».
Si le dépistage ante-natal est utilisé à des fins « mélioristes », l'enfant se saura bien désiré mais se demandera toujours si on l'aime pour ce qu'il est vraiment - si tant est qu'il puisse le découvrir - ou pour ce que ses parents ont voulu qu'il soit.
Bien sûr, tous les enfants grandissent dans un contexte familial précis qui façonne aussi leur être et leur devenir, avec des parents qui projettent plus ou moins leurs désirs sur leurs enfants. Mais l'autorité des parents n'est pas la propriété et se trouve limitée par la dignité de l'enfant et par la loi .
Mais surtout ce désir est extérieur à l'enfant, il pourra précisément en devenant adulte s'en détacher .


Par contre, comment ce futur adulte pourra-t-il devenir un individu libre et autonome s'il sait qu'il a été génétiquement modifié ? Pourra-t-il se penser autre - pour ne pas dire autre chose - que « l'objet » de ses parents ?
Son « je » ne sera finalement qu'un « autre », étranger à lui-même parce que l'on aura porté atteinte à son intégrité originaire .
Si a priori, le fait d'avoir été « programmé » pour avoir les qualités physiques pour devenir un excellent sportif ne l'empêcherait pas de pouvoir devenir musicien, son développement psychologique pourra-t-il le lui permettre ?
Et s'il devenait un sportif, ne cesserait-il pas de se demander si cela est dû à son travail, à un talent ou tout simplement à son « programme ».
Si on existe dans le rapport aux autres, en se démarquant d'eux tout en étant des égaux, quel rapport aux autres dans ces conditions ?
Qu'adviendrait-il, s'il avait été « programmé » pour quelque chose qui soit « passé de mode », hors normes, une fois atteint l'âge adulte ? Pourrait-il le reprocher à ses parents, leur faire un procès ?
Marc Hunyadi envisage la possibilité de taire la manipulation mais à partir du moment où celle-ci est possible et sa pratique étendue, n'importe quel sujet pourrait avoir des doutes sur ce qu'il est.


La maîtrise que nous revendiquons aujourd'hui est potentiellement susceptible de créer un homme perdant, lui, toute maîtrise sur sa vie. Aussi doit-on se ré-interroger sur le sens de cette vie humaine


2) Repenser l'Homme


On constate aujourd'hui une relative « uniformisation » de l'homme bien que ce dernier se construise dans la relation, donc dans la différence.


a. L'homme normé


Paradoxalement, la génétique est venue confirmer la diversité et c'est elle aujourd'hui qui ouvre la porte à la création du même (cf clonage), ou de l'homme normé.


« Pour éviter l'utopie de l'enfant parfait, Jacques Testart propose de poser des limites à l'extension du DPI. En 2000, date de l'introduction du DPI en France, avec Bernard Sèle (CHU Grenoble) il avait proposé « de limiter définitivement le DPI à l'établissement du caryotype et à la recherche d'un seul varient (gène) pathologique pour l'ensemble des embryons présents chez un même couple » afin d'éviter « le formatage d'un Homo geneticus universel »


Lui-même façonné par la société, l'homme ne verrait-il donc pas de problème à « configurer » ainsi l'individu à naître ?
Est-ce là un « effet système », que l'individu « désirant » et « auto-centré » ne peut appréhender ? Est-ce la propension du système à créer des êtres normés ?


[...] jamais les sociétés développées n'ont autant fabriqué de clones, ni autant valorisé cette fabrication. Je pense ici à tous ces clones en rationalité qu'on nous fabrique dans toutes les hautes écoles de commerce du monde, à ces esprits pavloviens rivés à leurs stimuli boursiers, à ces fétichistes de la compétition économique que l'on embrigade au prix fort à Chicago. Qui expliquera un jour quelle main invisible a fait coïncider dans le temps le clonage mental et le clonage génétique ? [...] Les clones biologiques futurs sont peut-être déjà le miroir de ce que nous sommes déjà devenus »


L'individu ne pourrait-il pas assumer l'autonomie revendiquée ? Celle-ci tout en justifiant le système est-elle un leurre ? Le système économico-social dans lequel nous existons ramène-t-il finalement, au-delà des différenciations, à l'ordre du Même ?

« La prolifération de différences à travers l'individualisme peut ainsi pendant un temps occulter la disparition de l'Autre [...] La multiplication des différences est le marqueur le plus certain de sa disparition. Nous sommes destructeurs d'altérité donc producteurs de différences »
"Court traité d'altéricide" Dominique Quessada

Comme la mondialisation ouvrait sur un monde de différence qu'elle semble avoir « rétrécit » et en partie uniformisé, la génétique pourrait standardiser l'homme qu'elle a pourtant proclamé unique.


« Il (l'altéricide) ne repose pas sur la destruction d'un autre, mais sur l'idée de l'Autre et de sa fonction, celle qui permet notamment d'opérer une distinction bipolaire entre le Même et l'Autre. [...]Fondamentalement, la globalisation ne se soutient que d'un horizon où l'altérité aurait été jugulée - métabolisée par inclusion - ou au moins mise au travail dans l'édification du global »


Notre société fait-elle si peu de place à l'autre, que le meilleur moyen d'être reconnu serait finalement d'être tous les mêmes ?
Le philosophe Girard attire au contraire notre attention sur le risque de l'uniformisation et sur la violence qu'elle engendre. « Qui suis-je » si nous sommes tous mêmes ?


Ce Même renvoie à un rapport d'individus interchangeables - rappelant l'échange, commercial , et celui que l'on demande pour insatisfaction - et non à une véritable relation.


b. De la relation


« L'existence désigne l'ex-istere : le se-tenir-distingué, en tant que sujet individuel »
Par suite, l'homme est responsable des ses actes malgré une part de « déterminisme » génétique qu'il ne contrôle pas. Gabriel Marcel propose ainsi une ontologie de la personne reposant sur une dimension créatrice. Création de soi-même, dans l'être et dans l'action qui empêche la personne de « se figer ou se cristalliser définitivement dans une incarnation particulière »


L'homme s'inscrit dans un processus.
« On ne naît pas homme, on le devient » comme le rappelle Alexandre Jollien dans son livre « Le métier d'homme », alors que Jean Ladrière souligne que :

« La personne n'est pas une réalité achevée, une totalité fermée, un objet dont on pourrait décrire complètement les propriétés, comme on le fait pour les êtres inanimés, mais elle est toujours en train de se faire, il faut la penser comme un processus, comme une action toujours continuée ».

Ce que Ladrière met ainsi en relief, c'est le processus de maturation, un processus qui commence dans un point de départ biologique, et qui n'est jamais terminé.

Ricoeur prend lui aussi en considération le rôle du temps dans la constitution de la personne : « la personne n'existe que sous le régime d'une vie qui se déroule de la naissance à la mort » et se structure par l'altérité.
Rapport au temps et altérité sont liés. Ils introduisent tous deux de l'incertitude face à l'avenir et inquiètent l'ordre du Même. Privilégier le présent comme le fait notre société c'est avoir peur d'évoluer soi-même et avec l'autre.
Pourtant jusqu'à maintenant, l'une des caractéristiques les plus fondamentales de la vie humaine, est d'être relationnelle. La création d'un « Autre sur commande » viendrait « altérer » ce devenir ensemble donc changer la nature de l'Homme.

 


Conclusion


En soulevant le rapport du même et de l'autre, sous-jacent dans le développement des biotechnologies, l'éthique nous invite à dépasser ou repenser le dualisme dans lequel est engagé notre philosophie. Un nouveau mode de pensée est à construire qui accompagnera un « être-au-monde » lui-même en reconstruction.
L'éthique doit assumer cette période d'incertitude, tant philosophique que technique afin d'assurer la transition entre passé-présent-avenir.

Elle s'inscrit plus concrètement dans une médiation entre la demande sociale et les capacités de la science. Elle doit assumer de n'être que cela puisque « La solution qui s'impose effectivement à une communauté morale est une question historique, et non morale : elle est prioritairement liée aux rapports de forces, aux stratégies de pouvoir, aux conditions politiques. [...] Le monde humain est un monde en construction permanente, et la sève de sa préservation est la volonté, non le raisonnement »

Mais elle doit aussi prendre toute la mesure de cette responsabilité qui est la sienne, car si elle n'est pas seule décisionnaire, elle doit contribuer à la confrontation de toutes les rationalités et à l'émergence d'un consensus social sur le devenir de l'Homme.

 

Partager cette page
Repost0

Présentation

  • : C pour demain ... le blog de Carole
  • : Entre slam et poésie, revendications et déclarations ... Juste un peu de folie pour que tu y crois aussi ..!
  • Contact

Bienvenue


Je vous invite à découvrir quelques textes sur des sujets qui me tiennent à coeur ...
Sujets de société et puis l'Amour, encore et toujours, évidement !

Vos remarques sont les bienvenues et, pourquoi pas, vos mélodies ...
@ bientôt, cpourdemain@free.fr
Carole

Citation


"Le bonheur est souvent la seule chose qu'on puisse donner sans l'avoir
et c'est en le donnant qu'on l'acquière."

Voltaire

c pour demain

"C pour demain" est née d'un ras-le-bol du célibat qui a débouché sur la création d'une marque de tee-shirts pour célibataires



" Je ne renie pas
La souffrance qui fut la mienne
Mais je sais, aujourd'hui,
Qu'elle n'était que le résultat

D'un petit Moi mal aimé
Qui se tenait à l'abri
Et qui, ayant peur d'aimer,
N'aimait que lui.
Il confondait célibat et solitude,
Solitude et mal-être

Se voulait libre et aimant mais
S'emprisonnait dans un statut de célibataire.
En réalité, il ne savait alors guère
Ce que sont « liberté » et « amour »
Encore moins que le vocabulaire
Cache parfois des réalités
Qui peuvent se conjuguer
Merci de l'avoir éclairé,
Merci pour ton Amour "  


... Aujourd'hui, C pour dire ...

Catégories